Titre VIII du plan de constitution girondin, présenté à la Convention nationale en 1793 par le marquis de Condorcet, qui sera arrêté suite à la prise de contrôle forcée de l’Assemblée par les jacobins.

De la Censure du Peuple sur les Actes de la Représentation Nationale, et du Droit de Pétition.

Article premier.
Lorsqu’un Citoyen croira utile ou nécessaire d’exciter la surveillance des Représentants du Peuple sur des actes de Constitution, de Législation ou d’administration générale, de provoquer la réforme d’une loi existante ou la promulgation d’une loi nouvelle, il aura le droit de requérir le bureau de son Assemblée primaire, de la convoquer au jour de dimanche le plus prochain, pour délibérer sur sa proposition.

Article 2.
L’acte de réquisition présentera cette proposition réduite à ses termes les plus simples.

Article 3.
Cette réquisition, pour avoir son effet, devra être revêtue de l’approbation et de la signature de cinquante Citoyens résidant dans l’arrondissement de la même assemblée primaire.

Article 4.
Le Bureau à qui la réquisition sera adressée, vérifiera sur le tableau des Membres de l’Assemblée primaire, si les signataires de la réquisition ou de l’approbation ont droit de suffrage ; en ce cas il sera tenu de convoquer l’Assemblée pour la dimanche suivant.

Article 5.
Ce jour, l’Assemblée étant formée, le Président donnera lecture de la proposition : la discussion s’ouvrira à l’instant, et pourra être continuée pendant le cours de la semaine ; mais la décision sera ajournée au dimanche suivant.

Article 6.
Au jour indiqué, le scrutin sera ouvert par oui ou par non, sur la question : y a-t-il, ou n’y a-t-il pas lieu à délibérer ?

Article 7.
Si la majorité des votants est d’avis qu’il y ait lieu à délibérer, le Bureau sera tenu de requérir la convocation des Assemblées primaires dont les chefs-lieux sont situés dans l’arrondissement de la même Commune, pour délibérer sur l’objet énoncé dans la réquisition.

Article 8.
Le bureau sera tenu de joindre à sa réquisition un procès-verbal sommaire de la délibération de son Assemblée, et une copie collationnée de la demande du Citoyen qui a provoqué la délibération.

Article 9.
Sur cette réquisition, les membres des bureaux de Assemblées primaires à qui elle sera adressée, convoqueront leur Assemblée dans les délais prescrits, et en adresseront les résultats au bureau qui le premier aura fait la réquisition.

Article 10.
Si la majorité des votants dans les Assemblées primaires de la Commune déclare qu’il y a lieu à délibérer sur la proposition, le bureau adressera à l’administration du département le procès-verbal de ses opérations, et le résultat général des scrutins des Assemblées primaires de la Commune qui lui auront été adressés : il requerra en même temps l’Administration de convoquer les Assemblées primaires du département, pour délibérer sur la même proposition.

Article 11.
La convocation générale ne pourra être refusée : elle aura lieu dans le délais de quinzaine, et les Assemblées primaires délibéreront dans les mêmes formes, et adresseront à l’Administration du Département le résultat de leurs délibérations.

Article 12.
Le dépouillement général se fera publiquement, et le résultat sera publié et affiché dans le chef-lieu des Assemblées primaires du Département.

Article 13.
Si la majorité des Assemblées primaires décide qu’il y a lieu à délibérer, l’Administration du Département adressera au Corps législatif le résultat de leurs délibérations, avec l’énonciation de la proposition qu’elles ont adoptée, et requerra de prendre cet objet en considération.

Article 14.
Cette réquisition sera sans délai imprimée, distribuée à tous les Membres, affichée dans l’intérieur de la salle, et renvoyée à des commissaires pour en faire leur rapport dans huitaine.

Article 15.
Après le rapport des Commissaires, la discussion s’ouvrira sur la question proposée. Elle sera continuée et ajournée à huitaine ; et il sera statué, au plus tard dans la quinzaine suivante, sur la question de savoir s’il y a, ou s’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.

Article 16.
On votera sur cette question par un scrutin signé, et le résultat nominal des suffrages sera imprimé et envoyé à tous les Départements.

Article 17.
Si la majorité des voix se décide pour l’affirmative, le Corps législatif renverra la proposition adoptée à des Commissaires, pour lui présenter un projet de décret dans un délai qui ne pourra pas excéder celui de quinzaine.

Article 18.
Ce projet de décret sera ensuite mis à la discussion, rejeté ou admis ; et, dans ce dernier ces, renvoyé au bureau suivant les règles générales prescrites pour la formation de la Loi.

Article 19.
Si la majorité des voix rejette la proposition, en déclarant qu’il n’y a pas lieu à délibérer, le résultat nominal du scrutin sera également envoyé à tous les départements. Dans tous les cas, soit que le Corps législatif admette la proposition, ou la rejette, la délibération sur la question préalable pourra être motivée, et sera envoyée à tous les Départements.

Article 20.
Si la révocation du décret qui a prononcé sur la question préalable, ou de la loi qui aura été faite sur le fond de la proposition, est demandée par les assemblées primaires d’un autre Département, le Corps législatif sera tenu de convoquer sur le champ toutes les Assemblées primaires de la République pour avoir leur voeu sur cette proposition.

Article 21.
La question sera réduite et posée dans le décret de convocation, de la manière suivante :
Y a-t-il lieu à délibérer, oui ou non, sur la révocation du décret du Corps législatif, en date du…
qui a admis ou rejeté la proposition suivante : … .

Article 22.
S’il est décidé à la majorité des voix dans les Assemblées primaires, qu’il y a lieu à délibérer sur la révocation du décret, le Corps législatif sera renouvelé, et les membres qui auront voté pour le décret, ne pourront être réélus, ni nommés Membres du Corps législatif pendant l’intervalle d’une Législature.

Article 23.
La disposition de l’article précédent, concernant les membres qui auront voté pour le décret, n’aura pas lieu si la censure n’est exercée, et la révocation demandée qu’après l’intervalle d’une année, à compter du jour de la prononciation du Décret ou de la Loi.

Article 24.
Si dans l’intervalle qui peut s’écouler entre le décret et l’émission du voeu général des Assemblées primaires, il y a eu une nouvelle élection du Corps législatif, et si plusieurs des Membres qui auront voté pour le décret, ont été réélus, ils seront tenus, immédiatement après que le voeu général sur la révocation du décret aura été constaté, de céder leurs places à leurs suppléants.

Article 25.
Si le renouvellement du Corps législatif a lieu en vertu de l’article 22, l’époque de la réélection annuelle sera seulement anticipée. Le nouveau corps législatif finira le temps de la Législature qu’il aura remplacée, et ne sera renouvelé lui-même qu’à l’époque des élections annuelles déterminée par la Loi.

Article 26.
Après le renouvellement du Corps législatif, la nouvelle législature, dans la quinzaine qui suivra l’époque de sa constitution en Assemblée délibérante, sera tenu de remettre à la discussion la question de la révocation du décret, dans la forme prescrite par les articles 15, 16 et suivants ; et la décision qu’elle rendra sur cet objet, sera également soumise à l’exercice du droit de censure.

Article 27.
Seront soumises à l’exercice du droit de censure toutes les lois, et généralement tous les actes de la législation qui seraient contraire à la Constitution.

Article 28.
Seront formellement exceptés les décrets et les actes de simple administration, les délibérations sur des intérêts locaux et partiels, l’exercice de la surveillance et de la police sur les fonctionnaires publics, et les mesures de sûreté générale, lorsqu’elles n’auront pas été renouvelées.

Article 29.
L’exécution provisoire de la Loi sera toujours de rigueur.

Article 30.
Le Corps législatif pourra, toutes les fois qu’il le jugera convenable, consulter le voeu des Citoyens réunis dans les Assemblées primaires sur des questions qui intéresseront essentiellement la République entière. Ces questions seront posées de manière que la réponse puisse se faire par la simple alternative, oui ou non.

Article 31.
Indépendamment de l’exercice du droit de censure sur les lois, les citoyens ont le droit d’adresser des pétitions aux autorités constituées, pour leur intérêt personnel privé.

Article 32.
Ils seront seulement assujettis dans l’exercice de ce droit, à l’ordre progressif établi par la Constitution entre les diverses autorités constituées.

Article 33.
Les Citoyens ont aussi le droit de provoquer la mise en jugement des fonctionnaires publics, en cas d’abus de pouvoir et de violation de la Loi.

Nicolas de Caritat, ci-devant marquis de Condorcet, plan de constitution girondin, présenté à la Convention nationale les 15 et 16 février 1793

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