Alceste.
Oui, je veux bien, perfide, oublier vos forfaits ;
j’en saurai, dans mon âme, excuser tous les traits,
et me les couvrirai du nom d’ une foiblesse
où le vice du temps porte votre jeunesse,
pourvu que votre coeur veuille donner les mains
au dessein que j’ai fait de fuir tous les humains,
et que dans mon désert, où j’ai fait voeu de vivre,
vous soyez, sans tarder, résolue à me suivre :
c’est par là seulement que, dans tous les esprits,
vous pouvez réparer le mal de vos écrits,
et qu’après cet éclat, qu’un noble coeur abhorre,
il peut m’être permis de vous aimer encore.

Célimène.
Moi, renoncer au monde avant que de vieillir,
et dans votre désert aller m’ensevelir !

Alceste.
Et s’il faut qu’à mes feux votre flamme réponde,
que vous doit importer tout le reste du monde ?
Vos desirs avec moi ne sont-ils pas contents ?

Célimène.
La solitude effraye une âme de vingt ans :
je ne sens point la mienne assez grande, assez forte,
pour me résoudre à prendre un dessein de la sorte.
Si le don de ma main peut contenter vos voeux,
je pourrai me résoudre à serrer de tels noeuds ;
et l’ hymen…

Alceste.
Non : mon coeur à présent vous déteste,
et ce refus lui seul fait plus que tout le reste.
Puisque vous n’êtes point, en des liens si doux,
pour trouver tout en moi, comme moi tout en vous,
allez, je vous refuse, et ce sensible outrage
de vos indignes fers pour jamais me dégage.

Extrait de l’acte V, scène 4

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