Quant au grec, duquel je n’ai quasi du tout point d’intelligence, mon père décida de me le faire apprendre par art, mais d’une voie nouvelle, par forme de jeu et d’exercice: nous pelotions nos déclinaisons, à la manière de ceux qui, par certains jeux de tablier, apprennent l’arithmétique et la géométrie. Car entre autres choses, il avait conseillé de me faire goûter la science et le devoir par une volonté non forcée, et de mon propre désir; et d’élever mon âme en toute douceur et liberté, sans rigueur et contrainte: poussant le scrupule jusqu’à ce point que, parce que d’aucuns tiennent que cela trouble la cervelle tendre des enfants de les éveiller le matin en sursaut, et de les arracher du sommeil (auquel ils sont plongés beaucoup plus que nous ne sommes) tout à coup et par violence, il me faisait éveiller par le son de quelque instrument; et je ne fus jamais sans homme qui m’en servît.
Extrait Livre I, chapitre XXVI De l’institution des enfants – Les Essais de Montaigne
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