Laridon & Ceſar, freres dont l’origine
Venoit de chiens fameux, beaux, bien faits & hardis,
À deux maiſtres divers échûs au temps jadis,
Hantoient, l’un les foreſts, & l’autre la cuiſine.
Ils avoient eu d’abord chacun un autre nom :
Mais la diverſe nourriture
Fortifiant en l’un cette heureuſe nature,
En l’autre l’alterant, un certain marmiton
Nomma celuy-cy Laridon :
Son frere ayant couru mainte haute avanture,
Mis maint Cerf aux abois, maint Sanglier abatu,
Fut le premier Ceſar que la gent chienne ait eu.
On eut ſoin d’empeſcher qu’une indigne maiſtreſſe
Ne fiſt en ſes enfans dégenerer ſon ſang :
Laridon negligé témoignoit ſa tendreſſe
À l’objet le premier paſſant.
Il peupla tout de ſon engeance :
Tourne-broches par luy rendus communs en France
Y font un corps à part, gens fuyans les hazards,
Peuple antipode des Ceſars.
On ne ſuit pas toujours ſes ayeux ny ſon pere :
Le peu de ſoin, le temps, tout fait qu’on dégenere :
Faute de cultiver la nature & ſes dons,
Ô combien de Ceſars deviendront Laridons !