Cela ne vous paraît-il pas clair ? voici un autre exemple :

Un jour de l’été passé, je m’acheminai pour aller à la cour. J’avais peint toute la matinée, et mon âme, se plaisant à méditer sur la peinture, laissa le soin à la bête de me transporter au palais du roi.

« Que la peinture est un art sublime ! pensait mon âme ; heureux celui que le spectacle de la nature a touché, qui n’est pas obligé de faire des tableaux pour vivre, qui ne peint pas uniquement par passe-temps, mais qui, frappé de la majesté d’une belle physionomie et des jeux admirables de la lumière qui se fond en mille teintes sur le visage humain, tâche d’approcher dans ses ouvrages des effets sublimes de la nature ! Heureux encore le peintre que l’amour du paysage entraîne dans des promenades solitaires, qui sait exprimer sur la toile le sentiment de tristesse que lui inspire un bois sombre ou une campagne déserte ! Ses productions imitent et reproduisent la nature ; il crée des mers nouvelles et de noires cavernes inconnues au soleil : à son ordre, de verts bocages sortent du néant, l’azur du ciel se réfléchit dans ses tableaux ; il connaît l’art de troubler les airs et de faire mugir les tempêtes. D’autres fois il offre à l’œil du spectateur enchanté les campagnes délicieuses de l’antique Sicile : on voit des nymphes éperdues fuyant, à travers les roseaux, la poursuite d’un satyre ; des temples d’une architecture majestueuse élèvent leur front superbe par-dessus la forêt sacrée qui les entoure : l’imagination se perd dans les routes silencieuses de ce pays idéal ; des lointains bleuâtres se confondent avec le ciel, et le paysage entier, se répétant dans les eaux d’un fleuve tranquille, forme un spectacle qu’aucune langue ne peut décrire. »

Pendant que mon âme faisait ces réflexions, l’autre allait son train, et Dieu sait où elle allait ! — Au lieu de se rendre à la cour, comme elle en avait reçu l’ordre, elle dériva tellement sur la gauche, qu’au moment où mon âme la rattrapa, elle était à la porte de madame de Hautcastel, à un demi-mille du palais royal.

Je laisse à penser au lecteur ce qui serait arrivé si elle était entrée toute seule chez une aussi belle dame.

— Xavier de Maistre, Voyage autour de ma chambre, chapitre VII

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