Dites-moi où, n’en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades ne Thaïs
Qui fut sa cousine germaine,
Écho parlant quand bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu’humaine
Mais où sont les neiges d’antan ?

Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la reine
Qui commanda que Buridan
Fut jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?

La reine Blanche comme lis
Qui chantait à voix de seraine,
Berthe au grand pied, Bietris, Alis,
Haremburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne la bonne Lorraine
Qu’Anglais brûlèrent à Rouen;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?

Prince, n’enquerrez de semaine
Où elles sont, ne de cet an,
Qu’à ce refrain ne vous remaine:
Mais où sont les neiges d’antan ?

François Villon (1431-apr.1463)
Le Grand Testament

Mis en musique et chanté par Georges Brassens dans son album Le Vent (1953).

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